Est-ce facile de disparaître d’Internet ?
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- Sofiane Ouadda
Ce document explore la possibilité (et la difficulté) de disparaître partiellement ou totalement d’Internet. Il s’appuie sur des témoignages, notamment ceux de Frank Ahearn (expert en effacement numérique), sur une vidéo de Micode consacrée au sujet, ainsi que sur différentes ressources (RGPD, CNIL, etc.).
Objectifs
- Définir les enjeux : comprendre pourquoi des individus souhaitent effacer leurs traces numériques (harcèlement, protection de la vie privée, raisons légales, etc.).
- Passer en revue les méthodes et stratégies proposées par différents experts (Frank Ahearn, consultants en cybersécurité, etc.).
- Illustrer, à l’aide d’exemples concrets, la difficulté de réellement “disparaître” d’Internet.
- Identifier les obstacles : archivage permanent, data brokers, législation, etc.
- Apporter des pistes d’actions concrètes : références à la RGPD, CNIL, droit à l’oubli, anonymisation, etc.
- S’interroger sur les conséquences : aspects juridiques, éthiques et sociaux de la “disparition”.
1. Introduction
Au fil des années, notre présence en ligne ne cesse de croître : multiplication des comptes sur les réseaux sociaux, inscriptions sur des sites de e-commerce, échanges de mails, publications de photos ou de messages. Que faire lorsque l’on souhaite reprendre le contrôle de cette présence ?
Des solutions existent pour limiter ou effacer notre empreinte numérique. Toutefois, “disparaître” d’Internet se révèle souvent plus complexe qu’il n’y paraît. Frank Ahearn, qui se présente comme un “tueur à gage numérique” (au sens figuré), facture jusqu’à 30 000 $ pour faire disparaître une personne en ligne. D’après lui, l’effacement complet exige bien plus qu’une simple suppression de comptes.
Dans le même esprit, la vidéo publiée par Micode (un créateur de contenu spécialisé dans la cybersécurité et le hacking éthique) expose, à travers des cas pratiques, la manière dont des individus (policiers, témoins, victimes de harcèlement) ont tenté de s’évanouir du web — et combien la tâche peut être ardue. On y découvre également des anecdotes sur l’importance de l’ingénierie sociale, la persistance des traces en ligne, et la facilité avec laquelle on peut recouper différentes données éparpillées sur la Toile.
2. Cartographie de l’empreinte numérique
2.1 Les sources principales
- Réseaux sociaux : Facebook, X (ex-Twitter), Instagram, LinkedIn, TikTok…
- Forums et blogs : messages sur des plateformes thématiques, vestiges de pseudonymes actifs il y a parfois plus de dix ans.
- Sites administratifs : impôts, sécurité sociale, services d’identification en ligne (FranceConnect, par exemple).
- Sites d’e-commerce : historique d’achats, adresses de livraison, traces bancaires.
- Data brokers : entreprises spécialisées dans la collecte et la revente de données personnelles (numéro de téléphone, adresse, préférences de navigation…).
- Applications mobiles : géolocalisation, cookies, identifiants publicitaires qui tracent nos habitudes et nos déplacements.
2.2 L’illusion d’une suppression “simple”
Effacer un compte sur un réseau social ou envoyer un mail demandant la suppression d’un contenu ne suffit pas toujours à faire disparaître l’information :
- Copies de sauvegarde (backups) stockées par les hébergeurs (pour des raisons de maintenance ou de sécurité).
- Caches de moteurs de recherche (Google, Bing, Yandex…), qui peuvent conserver la page pendant un temps variable.
- Web Archive (Wayback Machine) ou captures d’écran, capables de restaurer d’anciens contenus.
- Partage tiers : même après la suppression, des utilisateurs peuvent avoir rediffusé la vidéo ou l’image initiale sur d’autres plateformes, ce qui complexifie la purge totale.
3. Méthodes pour réduire son empreinte (et leurs limites)
3.1 Inventorier et supprimer : approche basique
- Recherche poussée sur Google, Bing, Yandex (en variant le nom, le pseudo, la ville, etc.).
- Contact direct des administrateurs de sites ou de forums pour demander un retrait.
- Déréférencement via les formulaires (Google “Right to be Forgotten”, par ex.).
- Surveillance continue pour guetter la réapparition éventuelle d’informations (mise en place d’alertes e-mail sur son nom, usage d’outils comme Mention ou Google Alerts).
Limite : Les contenus peuvent resurgir sur des sites miroirs, les copies ou “scrapes” du contenu initial peuvent être publiés ou rediffusés sans contrôle.
3.2 Brouiller les pistes (Frank Ahearn et la “mésinformation”)
Frank Ahearn suggère de noircir les bases de données en y injectant de fausses informations (fausses adresses, faux numéros) ou en créant une multitude d’homonymes pour rendre la recherche de la “vraie” personne plus difficile.
- Avantage : Quand on ne peut pas tout supprimer, on peut “perdre” le chercheur dans un labyrinthe de données incohérentes.
- Inconvénient : Processus complexe et potentiellement coûteux (en temps, argent). Il peut aussi poser des questions éthiques ou légales si l’on usurpe des identités ou falsifie des documents.
- Exemple : Publication de faux blogs ou faux profils sur des sites comme Facebook, LinkedIn, etc., pour diluer les résultats dans les moteurs de recherche.
3.3 Changer d’identité ou simuler sa mort (cas extrêmes)
Certains vont encore plus loin en changeant de nom ou en simulant un décès (“pseudocide”). Cela concerne surtout des situations extrêmes :
- Témoins sous protection (Witness Security Program aux États-Unis).
- Personnes échappant à des menaces graves (violences conjugales, mafia, etc.).
- Cas de fraude à l’assurance (illégale), où l’individu prétend mourir pour toucher ou faire toucher une indemnité.
La complexité et la dangerosité de telles démarches montrent que vouloir disparaître du web peut mener à des solutions radicales (et souvent en dehors du cadre légal).
4. Exemples concrets : entre enquêtes et témoignages
4.1 Le cas du policier “Jim”
- Contexte : Un officier se retrouve sous les projecteurs après avoir tiré sur un suspect armé.
- Problème : Des groupes activistes ou des doxxeurs partent à la chasse d’informations privées (adresse, famille).
- Conséquence : La découverte rapide des coordonnées personnelles entraîne la mise en danger immédiate de l’agent et de sa famille.
Cet exemple, évoqué dans la vidéo de Micode, souligne la facilité avec laquelle des enquêteurs amateurs peuvent recouper des données publiques et privées (bulletins de salaire, profils sur les réseaux sociaux, ingénierie sociale au téléphone).
4.2 L’escroquerie du “pseudocide”
- Des individus ont cru se mettre à l’abri en feignant de se noyer ou en organisant leur propre disparition (affaires retentissantes comme celles de John Darwin au Royaume-Uni).
- Leurs “retrouvailles” démontrent qu’Internet n’oublie pas : transactions bancaires, caméras de vidéosurveillance, relevés téléphoniques finissent généralement par les trahir.
4.3 L’exemple de la carte-cadeau
Un consultant en sécurité a fait parvenir une carte-cadeau à l’adresse professionnelle supposée d’une actrice cachée. Lorsqu’elle l’a utilisée, il a pu suivre ses relevés de paiement et localiser sa zone géographique. Par la suite, un appel ciblé à la société de désinsectisation concernée a suffi pour obtenir l’adresse précise.
Preuve que la moindre “trace” (ici, une simple transaction) peut servir de levier pour reconstituer la chaîne d’informations.
4.4 L’expérience des “skip tracers”
- Skip tracing : terme anglo-saxon désignant l’art de retrouver une personne disparue (ou en fuite).
- Les skip tracers, ou détectives privés, utilisent l’ensemble des données publiquement accessibles (base de données officielle, documents administratifs, réseaux sociaux, etc.).
- Ils font également appel à des techniques d’ingénierie sociale (appels téléphoniques, faux prétextes) pour soutirer des informations.
Ces méthodes sont redoutablement efficaces et montrent que la simple suppression des comptes n’est souvent pas suffisante pour échapper à un enquêteur déterminé.
5. Obstacles majeurs à la “disparition totale”
5.1 Archivage permanent
- Wayback Machine (archive.org) : enregistre d’anciennes versions de sites, accessibles par tous.
- Captures d’écran : photos ou vidéos partagées dans des groupes privés (WhatsApp, Telegram, etc.).
- Sauvegardes locales : toute personne ayant téléchargé ou enregistré des contenus antérieurs peut les ré-uploader ailleurs à tout moment.
5.2 Fuites de données et data brokers
- En cas de vol de base de données (entreprises, services en ligne), vos informations peuvent se retrouver sur le Dark Web, revendues à des tiers.
- Sites de revente sur Telegram ou des forums spécialisés, où l’on trouve adresses, mails, mots de passe.
- Data brokers : ils agrègent des données éparpillées, pouvant reconstruire votre profil (âge, profession, famille, centres d’intérêt). La législation peine à les contrôler à l’échelle mondiale.
5.3 Législations incomplètes et divergences régionales
- Droit à l’oubli variable selon les pays.
- RGPD (en Europe) vs législations moins protectrices ailleurs.
- Absence d’une autorité de contrôle unique et globale sur toutes les plateformes mondiales.
- Projets de lois récents comme le Digital Services Act (DSA) en Europe, visant à imposer plus de transparence et de diligence aux grandes plateformes, mais dont l’efficacité concrète reste à évaluer.
5.4 Aspect psychologique et social
- Gestion de l’isolement : disparaître d’Internet peut impliquer de couper des liens (famille, amis, réseaux professionnels).
- Stress permanent : la crainte qu’un ancien collègue ou une connaissance publie (même involontairement) une photo ou un commentaire susceptible de vous trahir.
6. Cadres légaux et pistes d’action
6.1 RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données)
- Permet d’exercer ses droits d’accès, de rectification et d’effacement en Europe.
- CNIL (France) : autorité capable de sanctionner une entreprise ou un site en cas de non-respect.
- Attention toutefois : le RGPD n’est pleinement applicable que pour les entreprises basées ou actives dans l’UE.
6.2 Droit à l’oubli
- Formulaire de déréférencement Google (pour les particuliers) :
- Ne supprime pas le contenu, mais le rend moins accessible via le moteur de recherche.
- Des exceptions peuvent être invoquées par Google (intérêt public, figurer dans l’actualité, etc.).
6.3 Outils pratiques
- JustDelete.me : annuaire de liens directs pour supprimer ses comptes sur différents sites.
- AccountKiller : instructions pour effacer ses profils (avec des tutoriels détaillés).
- Incogni, DeleteMe : services payants qui contactent en masse les data brokers pour demander la suppression de vos données.
- Privacy guides : sites spécialisés (Ex. privacyguides.org) listant des outils de protection (VPN, e-mails jetables, messageries chiffrées).
6.4 Autres ressources légales et administratives
- Eur-Lex : portail officiel pour les textes législatifs de l’UE (RGPD, DSA, ePrivacy).
- CNIL.fr : fiches pratiques sur l’e-réputation, les données personnelles et la suppression de comptes en ligne.
- Signal Spam : pour signaler certains abus, même si cela ne suffit pas à “disparaître” mais peut assainir sa vie numérique.
7. Conclusion
Disparaître d’Internet est un parcours semé d’embûches. S’il peut être envisageable de réduire considérablement son empreinte numérique (grâce aux demandes de suppression, au RGPD et à quelques techniques de brouillage), un effacement complet relève souvent de l’utopie ou demande des stratégies extrêmes, voire illégales (changement d’identité, pseudocide).
Les exemples abordés (cités par Micode, illustrés par Frank Ahearn ou divers consultants en sécurité) confirment qu’une simple suppression de comptes ne suffit pas. Il faut envisager la question sous plusieurs angles :
- Technique (gestion des traces, injections de fausses informations, surveillance continue).
- Juridique (RGPD, droit à l’oubli, plaintes auprès d’autorités compétentes).
- Humain (coupure de liens sociaux, changement complet de style de vie).
Finalement, le vrai défi est de mesurer le niveau de confidentialité que l’on souhaite ou que l’on doit atteindre. Entre effacer quelques informations gênantes et mener une vie sous une nouvelle identité, il existe un éventail de solutions plus ou moins radicales. Aucune n’offre la garantie d’une invisibilité absolue. Il est donc essentiel de réfléchir à l’anticipation : ne pas attendre une crise pour entamer ces démarches, mais plutôt maîtriser en amont ce que l’on publie.
Et si vous voulez vraiment disparaitre d'internet vous pouvez me contacter directement par mail et je vous ferai un prix plus avantaguex que M. Frank Ahearn.
Bibliographie et sources utiles
- Frank Ahearn – How to Disappear: Erase Your Digital Footprint, Leave False Trails, And Vanish Without A Trace.
- Micode – “Comment disparaître d’Internet ?” (vidéo YouTube).
- RGPD – Portail Eur-Lex.
- CNIL – cnil.fr.
- Wayback Machine – archive.org.
- JustDelete.me – justdelete.me
- Incogni – incogni.com
- Privacyguides.org – Conseils pratiques pour sécuriser sa navigation et limiter ses traces.
- Autorité européenne de protection des données – edpb.europa.eu (instance de coordination RGPD).
Horodateur
Date | Heures passées | Indications |
---|---|---|
01/02 | 1H30 | Lecture de ressources sur Frank Ahearn, prise de notes sur ses méthodes |
02/02 | 1H30 | Recherches complémentaires sur la législation RGPD, déréférencement, CNIL et cas concrets |
03/02 | 2H | Synthèse détaillée des approches légales (RGPD, CNIL, droit à l’oubli) |
05/02 | 2H30 | Visionnage et analyse de la vidéo de Micode, prises de notes sur les exemples de disparitions numériques |
07/02 | 2H | Investigation sur des cas extrêmes (pseudocide, skip tracers) |
09/02 | 2H | Rédaction finale, mise en forme du document en Markdown, relecture et enrichissement général (exemples, sources) |