Le management algorithmique
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- Matthieu Dufort
Un mon ayant pour but de découvrir le management algorithmique en analysant la théorie et un cas pratique
Le contenu de ce MON rassemblera la théorie sur ce type de management ainsi qu'un cas pratique sur une plateforme le mettant en place.
Contenu
Introduction
Le management algorithmique est un type de management qui consiste à déléguer partiellement ou entièrement les processus de management à des systèmes numériques. Ce type de management est apparu avec l'essor des systèmes d'analyse de données et est de plus en plus appliqué à différentes échelles grâce à l'intelligence artificielle.
Origine
La notion de management algorithmique est apparue pour la première fois en 2015 dans une étude sur Uber et Lyft. Ce concept est alors défini comme l’utilisation d’algorithmes pour remplir des fonctions managériales, notamment l’optimisation et l’évaluation du travail. Cependant, cette notion est fortement liée à l'essor des plateformes de commerce des années 2010.
En 2016, la notion est approfondie, mettant en lumière les déséquilibres de pouvoir engendrés par ces pratiques. Les algorithmes donnent peu de contrôle aux employés, tandis que l'entreprise exerce une grande maîtrise sur leur activité.
Depuis, la notion de management algorithmique s'est étendue à d'autres secteurs, comme la restauration rapide, les supermarchés, ainsi que les plateformes de travail à la demande ou de l’économie du partage.
Un sous-concept récent est celui du "nudging algorithmique", qui consiste à influencer subtilement le comportement des employés en se basant sur des données personnalisées.
Caractéristique
- Automatisation des décisions :
Les algorithmes analysent des données en temps réel et prennent des décisions variés comme la gestion des plannings, l’attribution des tâches, ou l’évaluation des performances.
- Personnalisation :
Les algorithmes peuvent adapter leurs recommandations ou décisions en fonction des caractéristiques individuelles des employés, optimisant ainsi la gestion des ressources humaines.
- Suivi en temps réel :
Des outils numériques permettent de collecter des données sur les performances des employés, leur productivité, ou encore leur engagement, facilitant un pilotage plus précis.
- Neutralité perçue :
Les décisions basées sur des algorithmes sont souvent perçues comme plus objectives puisqu'elles reposent sur des données, réduisant théoriquement les biais humains.
Domaine d'application
- Ressources humaines : Tri automatisé des candidatures, analyse des performances, et gestion des plannings.
- Logistique et commerce : Optimisation des chaînes d'approvisionnement et gestion des stocks.
- Service client : Allocation des ressources en fonction des besoins en temps réel.
- Transport et livraison : Gestion des itinéraires et dispatch des commandes.
- Santé et bien être : Encouragement au comportement positif par des notifications (montre connectée etc.)
- Finance et Assurance : Evaluation des risques et automatisation des décisions dans le trading par exemple
En plus de ces domaines, de nombreux métiers sont amenés à être transformés dans les années futures. On évoque un risque d'automatisation de plus de 90 % dans les années à venir pour les métiers du bâtiment, des usines, de la pêche, etc. Et, avec cette automatisation, c'est aussi le modèle de management qui va évoluer vers quelque chose de beaucoup moins humain.
Nudging algorithmique
Cette notion est dérivée du nudging. Le nudging fait référence à des techniques destinées à influencer les comportements des individus de manière subtile et non contraignante, souvent en modifiant leur environnement ou en structurant leurs choix.
Grâce aux avancées en IA et en apprentissage automatique, cette approche permet de créer des stratégies sur mesure, ajustables en temps réel, pour orienter les décisions et comportements des individus à grande échelle. Ce type d'influence s'appuie donc sur les données que l'on connait de l'utilisateur afin de l'orienter vers un choix.
On peut prendre comme exemple simple la mise en évidence de taches prioritaires en entreprise ou encore les notifications d'applications orientant les chauffeurs vers les zones à plus fortes demande.
Ainsi, le nudging algorithmique accompagne souvent le management algorithmique.
Lien avec les autres modèles
Le management algorithmique a été comparé au management scientifique développé par Taylor au début des années 1900. Henri Schildt le qualifie de "Scientific Management 2.0", où le management n’est plus une pratique humaine, mais un processus intégré à la technologie. De la même manière, certains chercheurs affirment que bien que le contrôle algorithmique du travail soit relativement récent, il reproduit de nombreux mécanismes classiques de contrôle du travail.
Cependant, d'autres pensent que le management algorithmique diffère fondamentalement du Taylorisme et des structures de gestion traditionnelles. ILs soulignent qu’à la différence du Taylorisme, où les pratiques s’inscrivent dans une supervision hiérarchique, le management algorithmique fonctionne dans un nouveau régime de visibilité et d’attention. Plutôt que d’être basé sur des règles bureaucratiques ou des rangs, il s’appuie sur des classements dynamiques et des systèmes de surveillance non disciplinaires. Les relations dans ce système sont plus triangulaires que verticales, éloignées du modèle traditionnel.
Avantage de ce type de management
- Efficacité accrue :
Les algorithmes peuvent analyser de grandes quantités de données rapidement, permettant des décisions plus rapides.
- Réduction des coûts :
En automatisant certaines fonctions de gestion, les entreprises peuvent économiser sur les ressources humaines.
- Meilleure réactivité :
Grâce à la collecte et l'analyse des données en temps réel, les entreprises peuvent s’adapter rapidement aux changements.
Problèmatique lié à ce type management
- Biais algorithmiques :
Si les algorithmes sont conçus à partir de données biaisées, ils peuvent reproduire ou amplifier ces biais, entraînant des discriminations involontaires. C'est pourquoi, il est très important de surveiller le comportement des algorithmes et de les entrainer avec une base de donnée complète et représentante de la population.
- Déshumanisation :
Une gestion automatisée peut réduire les interactions humaines, ce qui peut impacter la motivation et le bien-être des employés.
- Opacité :
Les algorithmes sont souvent des "boîtes noires", rendant difficile pour les employés de comprendre comment et pourquoi certaines décisions sont prises.
- Surveillance accrue :
Le suivi en temps réel peut être perçu comme intrusif, suscitant des préoccupations sur la vie privée et la confiance.
Que dit la loi
La surveillance algorithmique pose des questions sur le RGPD et la loie française.
Les décisions de recrutement ne peuvent pas être basées iquement sur des algorithmes ; une intervention humaine est obligatoire. Le RGPD limite les décisions fondées uniquement sur des algorithmes qui ont un impact juridique ou significatif. Il est de plus nécessaire de permettre aux personnes concernées de contester les décisions.
Les travailleurs peuevnt être assimilés à être les subordonnées d'un algorithme et cela redéfini totalement la notion de subordination dans le travail et pose des questions sur les statuts d'indépendants. De nouveaux critères pour identifier les employeurs sont proposés par la commission européenne.
Les entreprises pratiquant ce management permettent à la fois l’autonomie des salariés et les moyens de surveillance des employeurs. Une surveillance constante et souvent invisible, influence les comportements et soulève des préoccupations sur le bien-être des travailleurs.
Pour conclure, la loi est encore peu clair sur ce sujet et la régulation est donc compliqué. Il est cependant important de toujours respecter le principe de proportionnalité énonçant que toute action doit être réalisée en proportion entre impact et bénéfice.
Cas exemples d'utilisation de ce management
Uber
Toute l'application Uber est basée sur ce type de management. Ils l'utilisent pour gérer leurs chauffeurs et leurs prix.
- Les algorithmes attribuent les courses aux chauffeurs en fonction de la localisation et de la demande.
- Ils optimisent les prix via un système de tarification dynamique qui dépend de l'offre et de la demande.
- Les performances des chauffeurs sont évaluées par des notes clients et des données comportementales.
- Des notifications et alertes incitent les chauffeurs à se rendre dans des zones de forte demande. Ces outils influencent subtilement les comportements sans interaction humaine directe.
- Ce système crée une asymétrie de pouvoir : Uber contrôle les décisions critiques (horaires, itinéraires, revenus). Les chauffeurs ont peu de contrôle sur leur travail et subissent les contraintes des algorithmes.
Le management algorithmique permet à Uber de gérer efficacement une main-d'œuvre dispersée. Il est critiqué pour la précarité et le manque de transparence qu'il engendre.
Amazon
Amazon utilise le management algorithmique pour optimiser ses chaînes logistiques et superviser ses employés en entrepôt.
- Les algorithmes assignent les tâches (préparation, tri, expédition) en fonction des priorités et des délais de livraison.
- Le suivi des performances est automatisé grâce à des capteurs et des scanners enregistrant chaque action en temps réel.
- Des rappels ou alertes signalent aux employés s’ils ne respectent pas les objectifs de productivité.
- Les employés sont évalués en permanence sur la base de métriques strictes, telles que le taux de productivité ou le respect des temps alloués.
Bien que ce système améliore l’efficacité, il est critiqué pour la pression constante, le manque d’autonomie et les conditions de travail intensives imposés aux employés.
Conclusion
Le management algorithmique permet donc aux entreprises de mieux analyser et gérer leur marché ainsi que leurs utilisateurs. Il présente de nombreux avantages en termes d'efficacité et de rentabilité financière. Cependant, ce mode de gestion est critiqué pour le manque de liberté et d'autonomie qu'il engendre chez les employés.
Bibliographie
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- Management by algorithms. (n.d.). LIGS University
- Quignon, C. (2022, February 21). Dans les entreprises, l’essor du management par les algorithmes. Le Monde.fr
- Teboul, B. (2021, August 10). Les enjeux du management algorithmique et de sa régulation. European Scientist
- Larher, Y. (n.d.). Management algorithmique : quelles conséquences en droit du travail ?
- Forestier, F., Dufour, M., Campanini, E., Giniaux-Kats, J., & Giniaux-Kats, F. F. D. C. (2023, February 2). Le management algorithmique : nouveau paradigme d’organisation du travail ? AOC Media - Analyse Opinion Critique